C’est avec inquiétude que leurs majestés Mitterrand Moumbé Fotso et Innocent Nayang Toukam, chefs supérieurs respectifs de Bamougoum et Batoufam, constatent la dégradation avancée des forêts sacrées de leur région. Ces sanctuaires de biodiversité, qui abritent d’innombrables espèces végétales et animales, sont victimes de la pression humaine.
D’après le rapport final d’exécution du ministère de la Forêt et de la faune et du Millennium Ecologic Museum publié en 2010, 310 forêts sacrées (pour une superficie de 885,779 hectares (ha) ont été recensées dans cette région du pays. Mais ces espaces sont menacés de disparition du fait de la pression foncière, l’affaiblissement des croyances et l’urbanisation.
L’agriculture extensive et le ramassage intensif du bois mettent à mal ces écosystèmes fragiles, selon les chefs traditionnels. « L’exode rural pousse aussi les jeunes à exploiter les ressources forestières pour se loger », déplore S.M. Innocent Nayang Toukam.
Les chiffres sont alarmants. Selon Rainforest Alliance, les forêts sacrées de l’Ouest ont perdu 60% de leur superficie en 30 ans, ne représentant plus que 70 hectares. Un rapport du Minefof de 2010 révèle que 35,7% d’entre elles sont aujourd’hui menacées.

Pourtant, ces lieux recèlent une riche biodiversité et revêtent une importance culturelle et spirituelle pour les populations locales. « C‘est là que se déroulent les rites initiatiques et que sont enterrés les chefs« , témoigne le notable Batcham André Kenne. Mais en l’absence de reconnaissance juridique, ces espaces devenus rares ne bénéficient d’aucune protection. « Il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard », alerte Prince Clovis Koagne de la Fidepe. Car si rien n’est fait, c’est tout un patrimoine immatériel qui est promis à une disparition définitive. L’Ouest Cameroun perdrait ainsi un maillon essentiel de sa biodiversité et de son identité culturelle.
Felix Yetoth