Il y a urgence. Cela vaut sans doute la peine d’être répété car le bruit médiatique a tendance à nous en faire douter : la terre se réchauffe depuis un siècle et elle le fait beaucoup trop vite.
Les scientifiques ont commencé à en percevoir les signes dans l’après-guerre, mais c’est à partir de 1988 qu’un état de la science a régulièrement été publié, suite à la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), organisme intergouvernemental réunissant des scientifiques du monde entier. Le dernier rapport, publié entre septembre 2013 et octobre 2014, estime que le réchauffement de notre planète est désormais « sans équivoque ». Il ne subsiste donc désormais plus aucun doute à ce niveau : la planète Terre s’est réchauffée en moyenne d’environ 0,76°C depuis 1850, et cette tendance s’est même accélérée au cours des 50 dernières années, atteignant 0,13°C par décennie.
Moins d’un degré, pour nous qui connaissons des variations annuelles allant de -20°C à 40°C, cela peut paraître minime. Quelle différence après tout qu’il fasse un degré de plus ou de moins ? Le problème, c’est justement que, si l’on observe localement de fortes variations selon les saisons ou même d’une année à l’autre, notre planète dispose en fait d’un climat extrêmement stable si on la prend dans son ensemble. A titre de comparaison, lors de la dernière hausse majeure de la température terrestre, il y a 56 millions d’années, l’augmentation s’était faite au rythme de 0,025°C par siècle, soit trente fois plus lentement, ce qui n’avait pas empêché la disparition d’un nombre important d’espèces animales et végétales.
Deuxième élément qui mérite d’être reprécisé : c’est bien l’être humain qui est la source principale de ce réchauffement. Le GIEC estime en tout cas que ce fait est « extrêmement probable », c’est-à-dire sûr à 95%. Que signifie ce chiffre ? Non pas qu’il y ait 95% des scientifiques qui estiment que le réchauffement est d’origine humaine… la science ne fonctionne pas au plébiscite. En fait, la quasi-totalité des scientifiques sont convaincus de cette origine humaine et les fameux « climato-sceptiques », qui font tant de bruit dans les médias, ne sont pour la plupart pas climatologues. Quand le GIEC dit qu’il estime à 95% la probabilité que le réchauffement soit anthropique (causé par l’Homme), il signifie par-là que cette origine est quasiment certaine, au-delà du doute scientifique raisonnable : la science peut évoluer et nous faire découvrir que nous nous trompons, mais c’est hautement improbable.
Quelles sont les principales causes de ce réchauffement ? Les gaz à effet de serre, à savoir le CO2 (75% à lui seul), le méthane, le protoxyde d’azote et les gaz fluorés. Tous ces gaz sont rejetés dans l’atmosphère par les activités humaines : combustion de pétrole, de gaz et de charbon pour la production d’énergie, déforestation, élevage, engrais, etc. Mais incriminer les activités humaines dans leur ensemble ne suffit pas : nous ne sommes en effet pas tous égaux, ni dans les causes, ni face aux conséquences du réchauffement climatique. Les pays du « Nord », qui se sont industrialisés avant les autres, sont responsables de 77% des émissions historiques, qui ont saturé notre atmosphère, alors qu’ils ne représentent que 18% de la population mondiale.
Et même si l’on regarde aux émissions actuelles, les mêmes pays sont toujours à l’origine de 36% d’entre elles, malgré la montée en puissance de certains pays comme la Chine. Ceci est une clé essentielle pour comprendre les négociations internationales sur le climat. Les pays en développement reconnaissent en effet leur obligation de participer à la lutte contre les changements climatiques, mais selon un principe dit de « responsabilité commune mais différenciée » : à chacun de contribuer en fonction de ses moyens, d’une part, et de ses responsabilités historiques dans le problème, de l’autre.
C’est d’autant plus important que les pays du Sud sont les premiers à subir les conséquences du réchauffement, qui se font déjà sentir dans beaucoup d’entre eux. Des écosystèmes entiers sont menacés, incapables de s’adapter aux évolutions trop rapides de la température. C’est le cas de l’est de l’Amazonie, qui pourrait se transformer en savane dans le siècle qui vient : la déforestation est donc à la fois cause et conséquence du réchauffement, phénomène inquiétant qui laisse poindre un danger de spirale infernale…
Autre conséquence extrêmement grave : les perturbations dans le cycle de l’eau. Les zones les plus sèches, telles que le Sahel, voient déjà leur pluviométrie s’aggraver. On craint ainsi que le nombre de personnes n’ayant pas un accès régulier à l’eau en Afrique augmente de 75 à 250 millions dans le siècle à venir, ce qui réduirait à peu de choses les efforts accomplis depuis 15 ans dans le cadre des Objectifs du millénaire. Par contre, les zones les plus humides le sont de plus en plus. Mais surtout, on voit les catastrophes telles que les typhons et les ouragans augmenter en intensité.
De Katrina (USA) à Haiyan (Philippines), les exemples des dernières années sont nombreux. Impact indirect : la baisse de la productivité de l’agriculture, qui devrait toucher de plein fouet les paysans les plus pauvres, incapables d’accéder aux techniques d’adaptation telles que l’irrigation. Enfin, la fonte des glaciers devrait entraîner une hausse du niveau des mers, avec le lot de réfugiés qui l’accompagneront, en particulier dans les grands deltas tels que le Gange ou le Mékong. C’est donc bien à une multiplication des injustices que les populations les plus pauvres des pays en développement sont condamnées : alors que ni lui, ni ses ancêtres n’ont en rien contribué au réchauffement de la planète, le paysan burkinabé est le premier à en subir les conséquences, et il n’a bien souvent pas les moyens d’y faire face. Lire la suite sur http://www.cncd.be/
Nicolas Van Nuffel