La viande de brousse représente une part importante de l’apport en protéines des populations d’Afrique centrale, comptant pour près de 80% de cet apport. Chaque année, environ 6 millions de tonnes de viandes de brousse sont extraites du bassin du Congo, ce qui équivaut à la production annuelle de viande bovine du Brésil. Cependant, produire cette même quantité de viande bovine nécessiterait le défrichage de 25 millions d’hectares de forêts, soit une superficie presque équivalente à celle de la Grande-Bretagne.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la majorité des viandes de brousse chassées dans le bassin du Congo proviennent de porcs-épics, de géomydés (rats géants) et de céphalophes (petites antilopes), plutôt que de gorilles ou de chimpanzés. Les singes, bien qu’ils soient chassés en grand nombre, ne représentent qu’une petite partie de la viande de brousse. De plus, la majorité des espèces de mammifères chassées dans la région ne sont pas classées comme menacées sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN.
Cependant, la chasse de la viande de brousse est considérée comme largement insoutenable. Outre la perturbation du processus écologique et évolutionnaire, elle entraîne des changements dans la composition des espèces au sein des écosystèmes et une réduction générale de la diversité biologique, créant ainsi ce que l’on appelle « des forêts vides ». La croissance démographique et le commerce entre les régions rurales et urbaines, aggravés par l’absence d’une filière nationale solide de viande, sont les principaux facteurs à l’origine de ces niveaux insoutenables de chasse.
Face à cette situation, le CIFOR suggère qu’une interdiction de la chasse des espèces vulnérables, comme les gorilles porteurs du virus Ebola, tout en permettant la chasse d’espèces plus résilientes, pourrait être plus efficace qu’une interdiction générale. Bien que cette interdiction soit difficile à mettre en place, elle n’est pas impossible.
Par ailleurs, il est important de souligner que la chaîne de valeur de la viande de brousse en Afrique centrale, comprenant la chasse, le transport, la vente et la consommation, est marquée par des rôles et des préférences différentes selon les genres. Les hommes sont généralement plus impliqués dans la chasse et le transport, tandis que les femmes sont davantage impliquées dans la vente. En ce qui concerne les préférences gustatives, les femmes préfèrent l’éléphant, tandis que les hommes ont tendance à préférer les chauves-souris et les gorilles. Le porc-épic est quant à lui très apprécié des deux sexes.
La consommation de viande de brousse ne se limite pas aux populations rurales, mais s’étend également aux populations urbaines. Pour les ménages les plus pauvres, la viande de brousse est souvent une nécessité en raison de son coût abordable. Pour les ménages plus aisés, la viande de brousse provenant d’espèces plus grandes et menacées peut être considérée comme un produit de luxe.
Enfin, il convient de souligner la forte signification culturelle de la chasse en Afrique centrale. Elle est associée à des rites et cérémonies tels que les cérémonies de circoncision au Gabon. Certaines espèces chassées pour la viande de brousse sont également considérées comme possédant des propriétés magiques ou médicinales, ce qui leur confère une valeur supplémentaire. À l’inverse, des tabous entourent la consommation de certains types de viande de brousse dans certaines régions d’Afrique centrale.
En somme, la viande de brousse en Afrique centrale joue un rôle essentiel dans l’alimentation des populations, tout en présentant des risques pour l’écosystème et la biodiversité. Des mesures doivent être prises pour préserver la viabilité de cette ressource tout en répondant aux besoins des populations.