Une accentuation du phénomène pluvieux pourrait entrainée des éboulements de terrain dramatiques comme celui de Gouaché survenu fin octobre 2019 à Bafoussam. Uneperturbation du calendrier agricole aux conséquenceséconomiques dommageables parait inévitable.
C’est presqu’une répétition de tous les jours de la semainedepuis l’entame du mois d’aout 2022 dans toutes les 40communes de la région de l’Ouest au Cameroun. La ville deBafoussam, 1442 mètres d’altitude, chef-lieu de cette région, est arrosée par une pluie à densité moyenne, mais continue, ce jeudi 08septembre 2022 entre 13 heures 30 et 19heures. L’accès dansles quartiers à forte densité humaine à l’instar de Gouaché dans la commune IIIème de Bafoussam IIIème ou Tyo dans la commune de Bafoussam IIème est difficile pour les piétons come pourles conducteurs de véhicules automobiles. Les voies d’accès enterre sont marquées par des flaques d’eau et des petites montagnes de boue. Les commerçants, les entrepreneurs et travailleurs agricoles, les élèves comme les étudiants et desfonctionnaires doivent affronter ce calvaire routier avant de rejoindre leur domicile. Certaines personnes sont obligées, aurisque de se salir et de voir leur chaussure abimée, de foncertout droit dans droit sur cette route boueuse et creusée à cause de la régularité des pluies. Ce cliché traduit visiblement le fait que dans plusieurs ménages de cette ville d’environ 700.000 âmes subit négativement cette variation climatique. Elle ne laisse personne indiffèrent. «Les pluies de cette années sont assez fortes. Il y a un fort risque d’éboulement de terrain comme celui de Gouaché en octobre 2019. Les flancs descollines sont davantage creusés par des pluies. Elles pourraient être catastrophiques.Elles vont aussi contribuer à perturber le calendrier agricole.Les jardiniers qui travaillent dans les marécages pour semerdes produits maraichers à vendre sur le marché de noël endécembre seront gênées. Leur calendrier doit connaitre desmodifications. Ils vont ajourner le temps de semer oude repiquer les plants à faire grandir pour le marché de lasaison sèche», soutient Mathurin Ngounou, agriculteur ettenancier d’une mini boutique au lieu-dit « Entrée domicileTankou » à Bafoussam. En cette soirée du dimanche 11 septembre à Bafoussam, le ciel couvert avec une possibilité de foyers orageux. Pendant la journée, les averses ont été faibles. Les températures fluctuent entre 17 et 18°C. Le ciel a été ensoleillé vers la fin de l’après-midi. Mais, il est à redouter la récurrence des pluies comme au mois d’aout où en terme de pluviométrie, on a enregistré plus de 520 millimètres de pluie. Des données qui pourraient se reproduire courant ce mois de septembre. Mais à Gouaché où nous nous sommes rendus, les fissures de l’érosion restée prononcée sur les flancs des montagnes. La pression démographique y est forte avec la présence des déplacés internes de la crise anglophones, des hommes et des femmes qui ont fui les affrontements armés entre les milices séparatistes anglophones et les forces armées gouvernementales camerounaises. M. Kengne, le chef de quartier souligne que cette forte pression démographique contribue à la dégradation de l’environnement couplée aux fortes pluies qui y sévissent ces derniers temps. »Plus de 1000 personnes déplacées internes de la crise anglophone ont envahi Gouaché depuis 2017. De nombreux jeunes originaires du département des Bamboutos et de la Ménoua, plus de 3000 personnes, se sont installés ici il y a une dizaine d’année« , déclare-t-il.

Certains ont déménagé, mais de dizaines de famille sont encore logées à moins de 100 mètres à vol d’oiseau du point pic du glissement de terrain survenu en 2019 à Gouaché. Les souvenirs de l’éboulement de terrain ayant causé de nombreuses pertes en vie humaine sur une colline où étaient de nombreuses maisons d’habitation hante encore les esprits. André Mbé, 48 ans, père de sept enfants et riverain du lieu du sinistre reste sceptique. »Où vat-on aller? C’est le bon Dieu qui nous garde. S’il y a encore de fortes pluies la couche peut lâcher », indique-t-il. Et le chef de quartier de préciser: « les gens ont été déguerpis des lieux à risque. Nous sensibilisons les populations sur les risques liées à l’installation dans un environnement impropre à l’habitation. » Dorine, 25 ans environ, avoue vivre avec la peur au ventre. »Les pluies sont abondantes. Il est vrai ce côté n’est pas aussi accidenté que le flanc qui a glissé en octobre 2019.Presque toutes les grandes collines de la région de l’Ouestconnaissent une érosion visible. Il des risquesde glissement de terrain partout. Mais nous devons être prudents », confie-t-elle.
Abandonner les sols riches des bas-fonds
Reste que sur le lieu du sinistre, des cultures de haricot poussent déjà du sol. Tout comme quelques jardiniers ont repiqué quelques jeunes pousses de persil et de basilic. Mais, globalement, ils redoutent des pertes à cause des fortes pluies de septembre. « De façon brève et synthétique, il est évident que les activitésagricoles sont fonction du régime climatique qui prévaut danschaque zone géographique donnée. En septembre oùgénéralement on a affaire au mois de l’année qui enregistre lesplus grandes hauteurs des précipitations, les cultures qu’on voitdans les champs ont été effectués dès avant la mi-août pourleur permettre d’être conduites à terme sans déficit hydrique,étant donné qu’il ne reste qu’un mois et demi de pluies aprèsseptembre. C’est valable pour les cultures commercialescomme les pommes de terre, la patate douce, le maïs de deuxième campagne. Évidemment encore, les précipitations très élevéesde la saison des pluies et notamment du mois de septembrecontraignent les producteurs à abandonner les sols riches desbas-fonds alors largement saturés en eau. Ces bas-fonds gorgés d’eau durant les mois de septembre jusqu’à novembresont bénéfiques pour la culture facile, maraîchère notamment,de plein de plantes cultivées. Il y a peu, l’intensité du régime des pluies, en septembrenotamment, était un frein total à.la réussite agronomique descultures comme la tomate, le poivron dont l’Ouest estchampion du fait des maladies fongiques. Cet obstacle estthéoriquement levé avec l’introduction sur le marché desemences d’une foultitude de variétés hybrides résistantes auxmaladies. Il reste que l’accessibilité à de tels semences de premier choix est impossible pour la plupart des producteurs du fait dela faiblesse de leurs moyens financiers », explique Théophile Nono, ingénieur agronome. Les autres pays de l’Afrique de l’Ouest et du centre sont aussi l’objet des risques de catastrophes naturelles liés à l’eau. C’est notamment le cas de la République démocratique du Congo où le lac Tanganyka vient d’engloutir de nombreuses personnes, selon une dépêche de l’agence France presse. Les Etats comme le Tchad s’investissent, en coopération avec le Cameroun et le Nigeria, à minimiser de tels risques à travers la commission du bassin du lac Tchad. Cette gestion transfrontalière de l’eau est aussi liée au flux migratoire important entre ces trois pays Etats voisins.
Sécurité en eau et l’assainissement en vue de la croissance
En rappel, la Session Africa 21 sur les enjeux de l’eau face au Changement Climatique Afrique de l’Ouest du Centre tenue du 11 au 19 août 2022 à Dakar, Sénégal a abordé cette question. Madame Hind AÏSSAOUI BENNANI, spécialiste enMigration, Environnent et Changement Climatique Afrique del’Ouest et du Centre Organisation Internationale pour les Migrations (IOM), estime que « la migration environnementale est un phénomène diversifié, comprenant des mouvements volontaires et forcés, à court et à longterme/à distance. » Elle plaide que la migration peut être une stratégie d’adaptationaux changements environnementaux, renforçant la résilience desménages des migrants face à« une graves perturbation du fonctionnementd’une communauté ou d’une société causée par un ou des aléas naturels causant des pertes et ayant des effets importants sur lesplans humains, matériel, économique et environnemental, que lacommunauté ou la société en question ne peut surmonter avec sesressources propres. » Pour elle, Il n’y a pas de “catastrophe naturelle. Les personnes forcées de se déplacer se retrouventsouvent dans des zones à risque, avec peu de ressources et peud’assistance, les populations piégées qui ne peuvent pas sedéplacer peuvent être encore plus vulnérables, les migrations nongérées entraînent une plus grande vulnérabilité. Selon le site de l’organisation des nations unies pour l’enfance (Unicef), Dr Ania Grobicki, Secrétaire exécutive du Partenariat mondial pour l’eau, admet que l’amélioration de la gestion des ressources en eau, poursuit cette experte, permettrade mieux gérer les risques climatiques présents et à venir, grâce auxprogrès de l’information, des politiques, de la réglementation, de larépartition des ressources et de la coopération. « Cela réduira lavulnérabilité à la variabilité actuelle du climat tout en ouvrant la voieà des initiatives plus importantes en matière d’adaptation auchangement climatique. L’expérience que nous avons acquise grâceau travail de nos partenaires au Népal, au Pakistan, au Pérou, auRwanda, au Sri Lanka et dans de nombreux autres pays nous a prouvé la nécessité d’aider de toute urgence les populations défavorisées àaccroître leur résilience face aux risques climatiques », affirme-t-elle dans le même sens. Cette dernière souligne la priorité de la sécurité en eau et del’assainissement dans les programmes de développement pourl’après-2015 et l’engagement du CMAE à accélérer les efforts pour lasécurité en eau et l’assainissement en vue de la croissance en Afriquejusqu’en 2025.
Guy Modeste DZUDIE