Doper la production nationale afin de réduire les importations massives du poisson, telle est la nouvelle logique des pouvoirs publics.
Le poisson occupe une place de choix dans le menu des personnes résidant au Cameroun. Selon les statistiques disponibles au Ministère de l’Élevage, des Pêches et des industries animales (Minepia), en 2011, le pays a importé près de 200 000 tonnes de poisson et autres produits de la pêche, afin de combler le déficit de la production nationale. Celle-ci est estimée à seulement 180 000 tonnes par an, sur une demande annuelle qui est de 400 000 tonnes.
L’importation du poisson coûte au Cameroun entre 120 et 140 milliards de F par an. Des chiffres en augmentation de 30 milliards de F en 2011 par rapport à 2010. En présidant le 22 août dernier à Douala les travaux de la 45e session du conseil d’administration de la Caisse de développement de la pèche maritime, le Minepia, Dr Taïga, a déclaré à la presse que «l’on a enregistré une baisse des importations de poisson, de 160 000 t à 140 000 t en 2011». Une baisse qui s’explique d’une part, par une légère hausse de la production locale des produits d’aquaculture. D’autre part, par une meilleure disponibilité des viandes blanches à cycle court, notamment la volaille, ce qui a induit une substitution du poisson dans les régimes alimentaires.
Un tel résultat prouve l’option des pouvoirs publics à vouloir inverser la tendance à l’importation massive des produits de pêche, synonyme d’importantes sorties de devises. Pour matérialiser cette ambition, il va falloir doper la production nationale de poisson. D’après le sous-directeur de l’aquaculture au Minepia, le Dr Ondoua Zang, la production nationale évaluée 180 000 tonnes est répartie comme suit: l’aquaculture produit 1 000 tonnes de poisson; la pêche industrielle, 8 000 tonnes; 93 000 tonnes sont issues de la pêche artisanale maritime et 75 000 tonnes viennent de la pêche continentale. Si Douala reste le seul port de pêche industrielle, la pêche artisanale utilise plusieurs points de débarquements dont quelques-uns des plus importants sont: Limbé, Idenau, Kribi, Mabeta, Manoka, Cap Cameroun, Youpwe, Bonassama, Bekumu, Ekondo-Titi pour la pêche artisanale maritime; Maga, KaïKaï, Lagdo, La Mapé, Mbakaou pour la pêche continentale.
Comment expliquer que le Cameroun soit un grand importateur de poisson alors qu’il est traversé par de nombreux cours d’eau et dispose, en outre, d’une longue façade maritime ? C’est que, en réalité, le secteur de la pêche et de l’aquaculture est confronté à de nombreuses difficultés: une faible implication des nationaux dans la pêche industrielle, artisanale, maritime et continentale; une formation des pêcheurs insuffisante; la rareté des financements des activités aquacoles ou de pêche; l’insuffisance des alevins; la rareté des aliments pour poissons, etc. Concrètement, l’augmentation de la production nationale de poisson passe par la combinaison de plusieurs facteurs parmi lesquels le développement de l’aquaculture. Il est question ici de mettre en œuvre le plan de développement de l’aquaculture adopté en 2009, en concevant des projets susceptibles d’être financés par les établissements de crédit de la place.
Dans cette perspective, l’atelier national sur l’aquaculture prévu ce mois, avec l’appui de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAQ), suscite beaucoup d’espoir. Il est aussi question au Minepia de développer la mariculture, c’est-à-dire l’élevage de poissons en mer. En outre, avec toujours l’appui de la FAO, le Minepia est sur le point de mettre en place l’élevage du poisson en cage ou élevage hors-sol, avec sept projets-pilotes qui seront orientés vers les jeunes. Par ailleurs, avec la coopération brésilienne, une usine de production d’aliments pour poissons verra le jour à Foumban. Et pour résoudre le problème de l’insuffisance des semences de poissons (alevins), le Minepia a prévu de créer une unité moderne de production intensive d’alevins, en plus de la réhabilitation des fermes semencières.
En plus de tout ceci, il faudra accentuer la formation aux métiers de la pêche, créer des conditions pour intéresser davantage de Camerounais pour qu’ils s’impliquent plus dans la pêche artisanale maritime, la pêche continentale et la pêche industrielle. Si toutes ces actions sont bien coordonnées pendant leur mise en œuvre, elles pourront permettre au Minepia d’atteindre l’objectif de porter la production nationale de 180 000 aujourd’hui à 250 000 tonnes par an à l’horizon 2018.