Dans les années 80, un vaste projet d’aménagement et de viabilisation de la zone Nylon à Douala est entrepris par le gouvernement avec le soutien de partenaires étrangers comme la Banque Mondiale et la Coopération suisse. Pour cela, plus d 500 familles furent délogées. Simultanément, de l’argent et de l’espace furent mis en disposition pour les dédommager et les recaser ; avec pour chef d’orchestre la Maetur et le Crédit foncier du Cameroun.
Mais, 30 ans après, la plupart d’entre elle n’ont été ni recasées, ni dédommagées. Au grand regret des bailleurs de fonds et des déguerpis dont les survivants vivotent aujourd’hui après avoir perdu tous leurs biens.
Prévu pour s’étendre sur 13 ans (1984-1997), le projet de restructuration de la zone Nylon, situé dans la ville de Douala, n’a finalement duré que 9 ans. La mission d’aménagement et d’équipements des terrains urbains et ruraux (Maetur), chargée d’exécuter le projet y a mis un terme en 1993. Les raisons officielles de cet arrêt n’ont jamais été données par le gouvernement. Et la demande d’information adressée à cette entreprise le 10 octobre 2013 est restée sans réponse.
Initiée par le gouvernement, la restructuration de la zone nylon s’inscrivait dans le cadre du projet de développement urbain (PDU), engagé par l’Etat pour assainir les quartiers insalubres et précaires. Pour réaliser ces travaux, la Maetur avait procédé à une expulsion « forcé » de près de 502 familles.
A celle-ci, le gouvernement, via la Maetur, avait promis des indemnisations. Mais, « jusqu’à ce jour nous n’avons encore rien perçu », confient les victimes. A en croire, l’Organisation dénommée promotion sociale et formation de l’enfance en difficulté (Prosofor), qui défend les droits des victimes de Nylon, les populations « n’avaient jamais été intégrées dans la mise en œuvre de ce projet. L’Etat nous a donné l’impression qu’on sacrifie la quiétude des populations sur l’autel de l’embellissement de la ville » souligne l’association.
Financé par la banque Mondiale, à hauteur de 22 milliards de FCFA, le projet prévoyait la restructuration de 13 quartiers. Il s’agit notamment des quartiers Nkomiltag, Nylon, Tergal, lieu-dit CCC, Madagascar, OyackII ; Oyack III, Bonaloka, Soboum, Dibom I, Diboum II ; Bilongué et Brazzaville. Mais, de tous ces quartiers « il y’a que le quartier Nylon et une partie du quartier Brazzaville qui avaient vraiment subi les plans qui avaient été fixés par le gouvernement » confie un cadre de la Maetur. A cette effet, la Maetur avait aménagé seulement 20000 parcelles, des réseaux d’eau et d’électricité ont été installés, des voiries primaires et secondaires ont été ouvertes, « en moyenne 60 % de drains ont été réalisés » au quartier Brazzaville précise une source interne l’agence de la Maetur de Nylon. Des ouvertures d’emprise de voirie et des bornages parcellaires avaient été enclenchés dans huit autres quartiers ; « mais notre structure n’était pas allée plus loin »indique ce cadre.
Il reste que plus de 502 familles sont toujours dans l’attente des indemnisations promises par l’Etat. Pour ce qui est du recasement promis, la Maetur avait exigé a chaque déguerpi de payer 4500 F CFA à 10000 F CFA le m2 pour avoir accès à un lot dans la zone de recasement. Une somme jugée excessive par les déguerpis au demeurant très pauvres.
Aujourd’hui, des nombreux déguerpis sont devenus des « locataires à vie » Joseph Bassè a perdu sa maison de trois étages pendant les casses. Aujourd’hui il loue dans une maison deux pièces, avec ses cinq enfants. Quant à jean Claude Takoukam, il est à sa cinquième maison de location dans le quartier Bilonguè. Il n’a jamais pu trouver assez d’argent à verser à la Maetur pour récupérer le terrain N°617 que la structure avait promis de lui céder. « Quand on a cassé notre maison, je n’étais plus concentré au lieu de service et l’on m’a renvoyé un mois plus tard. Depuis ce jour, j ai été tour à tour, pousseur, chargeur de voiture, vendeur de fruits et maintenant je me suis lancé dans la vente de bois de chauffe pour subvenir aux besoins de ma famille » se lamente l’intéressé.
Christelle Kouetcha