La consommation du poisson frais à Douala est un risque que bien des personnes refusent de prendre. Résultat le marché de cette denrée est en chute libre.
Juste après le pont sur le fleuve Dibamba, à l’entrée Est de Douala, la métropole économique du Cameroun, régulièrement quelques individus exhibent fièrement à la vue des voyageurs installés dans les véhicules venant de Yaoundé ou de la même direction, de gros poissons d’eau douce. Cependant, si ces marchands de poissons réussissent encore à prendre dans leurs rets quelques gogos venant de la capitale, les passagers venant d’Edéa sont pour la plupart déjà avertis. Ceux qui ne le sont pas encore, sont très vite renseignés une fois qu’ils manifestent des velléités d’en acquérir. « Madame, n’achetez jamais du poisson ici », recommandent inlassablement les chauffeurs des cars qui font le transport interurbain entre Douala et Edéa. L’explication qu’ils donnent est que les pécheurs de la Dibamba se servent des produits chimiques, des pesticides, pour attraper du poisson. La conséquence est que ce poisson une fois préparé, perd toute consistance et tout goût. « On dirait du couscous. Et bonjour la diarrhée et les violents maux de ventre ».
Mme Bikom Victorine est catégorique ; cette information est connue de tous les chauffeurs de cars qui font la ligne Douala-Edéa. Ce qui fait que les affaires de ces poissonniers suspects sont des plus mauvaises.
La Dibamba, ne partage donc pas avec le Wouri seulement la qualité d’être des fleuves qui bordent la métropole économique. Elle a aussi en partage une race de pêcheurs indélicats qui a abandonné les filets et la canne à pêche pour adopter l’usage des produits chimiques toxiques pour attraper le poisson.
Youpwè à Douala, situé sur les berges du fleuve Wouri, est le principal point de vente de poisson frais tiré dudit fleuve. Depuis l’année 2007, des informations concordantes font régulièrement état de poissons toxiques vendus dans ce marché. Il a même souvent aussi été question des cas d’intoxication alimentaire, à l’instar de celle de début juin 2011 qui a provoqué un décès, après la consommation de poisson toxique acheté à Youpwè. Du poisson qui avait été tué à la Gamaline dont la substance active est le lindane, un puissant pesticide qui détruit la faune et la flore aquatique.
A la suite de cette douloureuse affaire, Une note d’information avait été signée conjointement par le chef de Centre d’alevinage et de contrôle des pêches (Cacp) de Youpwè, du régisseur du marché de Youpwè et par le chef de poste de police de Youpwè. Ladite note stipulait que: « les opérateurs du secteur poissons frais (pêcheurs, grossistes, détaillants et usagers) sont informés qu’à compter dû 17 juin 2011, certaines dispositions ont été prises. Tout produit d’origine halieutique destiné à la commercialisation devra au préalable être soumis à l’inspection sanitaire, vétérinaire avant toute vente. En outre, toute personne surprise entrain d’exercer avant 6 heures s’expose à des poursuites judiciaires.» Mais ceci n’a pas empêché la présence récurrente du poisson toxique à Youpwè ou au large de Youpwè.
Des sources proches des autorités en charge de la pêche à Douala, l’utilisation des pesticides est le fait des nigérians qui veulent faire des recettes importantes pour des efforts minimes. Malgré les dénégations des accrocs du marché de poissons de Youpwè qui jurent que le phénomène des poissons toxiques a disparu ici, la fréquentation de ce lieu qui drainait, chaque jour à partir de 3 heures du matin, une population dense et cosmopolite venant des quatre coins de Douala, est en forte baisse depuis quelques temps. Le défilé des grosses limousines chargées de vastes glacières destinées à être remplies de poissons a tout aussi diminué. Mais comme l’explique Mme Pona, revendeuse du poisson de Youpwè au marché central depuis plus de vingt ans, il reste encore ici des pécheurs honnêtes dont la qualité du poisson ne pose aucun souci.
Le fait est que, malgré les efforts de la marine marchande et du Bataillon d’intervention rapide (Bir) qui livrent une chasse acharnée à ces pêcheurs véreux sur le Wouri et dans les eaux territoriales, malgré la traque assidue sur terre, opérées par les responsables des services des pêches et de l’élevage, malgré aussi la destruction régulière des cargaisons de poissons considérés comme étant le fruit de la pêche par les pesticides, à Youpwe, subsiste du poisson toxique impropre à la consommation et susceptible de provoquer des cancers à long terme.
Ainsi, petit à petit, le marché de poisson frais de Youpwe se meurt, au profit du lieudit port de pêche, et… du poisson congelé.
Awa balkissou