Les bouses de deux vaches peuvent produire du gaz domestique pour une famille de dix personnes et réduire l’utilisation du bois de chauffe et du charbon.
Mary Siri est une agricultrice de 48 ans vivant à Akum, un village de la région du Nord-Ouest du Cameroun. Hormis ses champs, elle gère un petit élevage. Ces deux activités l’aident à nourrir treize personnes chaque jour. Si elle y arrive, c’est grâce à une découverte qu’elle a faite il y a quelques années : le biogaz. C’est un gaz produit par la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. Cette fermentation, aussi appelée méthanisation, se produit naturellement (dans les marais) ou spontanément (dans les décharges contenant des déchets organiques). Mais, on peut aussi la provoquer artificiellement dans des digesteurs, qui permettent de traiter des boues d’épuration, des déchets organiques industriels ou agricoles, etc.
Depuis sa nouvelle trouvaille, Mary Siri réalise des économies. Elle raconte comment le biogaz a changé sa vie : « Il y a quelques années, je passais beaucoup de temps à chercher du bois, à le fendre et surtout à nettoyer les marmites noircies par la fumée du feu de bois. Ensuite, j’ai pensé utiliser le gaz butane, mais c’était trop cher. Il fallait que je dépense 12.000 FCfa par mois pour deux bouteilles de gaz, sans compter qu’il y a des ruptures fréquentes de stock.» Du coup, ses revenus ont augmenté. C’est ainsi qu’elle a pu s’acheter récemment un réfrigérateur, un téléviseur et contribuer au paiement des frais de scolarité de ses enfants et neveux. Pour Mary Siri, le biogaz est donc une aubaine. Et pas la peine d’aller chercher trop loin. Les excréments de ses vaches font l’affaire.
En 2010, Mary Siri a installé un biodigesteur chez elle. C’est une cuve souterraine dotée d’un dispositif qui permet, en l’absence d’oxygène, de produire du biogaz grâce à la bouse fraîche de vache. Ce dispositif permet aussi l’acheminement du biogaz vers la cuisine. L’agricultrice explique le processus : « Chaque jour, je verse une quantité de bouse de vache et d’eau dans le biodigesteur. Je les mélange et l’appareil fait le reste. J’ai ensuite du biogaz à volonté ». Dans les familles moins nombreuses, on peut alimenter le biodigesteur une fois tous les trois jours.
Si, au départ, Mary Siri voulait juste réduire les dépenses allouées à l’achat des combustibles, elle a découvert d’autres bienfaits du biodigesteur. « Avant que je n’installe cet appareil, dit-elle, j’utilisais environ cinq sacs de 50 kg d’engrais chimique par saison culturale. C’est une dépense de 125.000 F Cfa au moins, lorsque les prix n’augmentent pas. Depuis, j’ai remplacé l’engrais chimique par les restes de bouse de vache qui sortent du biodigesteur ».
Elle montre fièrement ses potagers où poussent des tomates, du piment, des carottes, des haricots verts, des épinards et bien d’autres légumes. On aperçoit déjà une abondante floraison, le signe que les récoltes seront bonnes. Elle précise : « La première année, je n’ai pas senti un réel changement lors des récoltes. Mais, j’étais contente à cause des économies d’argent réalisées. Depuis la deuxième année, non seulement je continue d’économiser de l’argent, mais en plus, la production augmente. Par exemple, j’ai récolté deux sacs de 50 kg de piment en plus ».
Des études ont prouvé qu’en plus de l’augmentation des récoltes, la production du biogaz domestique présente d’autres avantages. La santé est améliorée grâce à la réduction des maladies respiratoires liées à l’inhalation de la fumée. On note aussi la diminution des dépenses et l’amélioration des conditions de vie. Au niveau de l’environnement, le biogaz a l’avantage de baisser l’utilisation des combustibles non renouvelables et la pollution de l’environnement due à la fumée.
A ce jour, 108 familles ont déjà bénéficié de l’expertise de Snv Cameroun pour l’installation des biodigesteurs. D’autres Ong vulgarisent le concept à l’Ouest, dans le Nord-Ouest et dans l’Adamaoua. Le biogaz et la bioénergie pour l’éclairage peuvent aussi être produits avec des déjections de porc et avec des excréments humains. Des projets de construction des biodigesteurs dans les prisons camerounaises sont d’ailleurs en cours pour la production du gaz domestique et de l’électricité grâce aux excréments des prisonniers.
Malgré tous ses avantages, le biodigesteur présente un handicap. Le coût d’installation du plus petit modèle est de 550.000 FCfa, une fortune pour beaucoup de petits agriculteurs.
Anne Mireille Nzouankeu