« Tu crois que le whisky, c’est seulement bon pour vous ? Nous aussi ici en bas, on aime les bonnes choses. » Ainsi s’exprime Alphonse, un jeune conducteur de moto qui marque une pause dans une station service en sirotant du whisky sachet.
Pour lui comme pour bon nombre de ses congénères, le whisky en sachet qui se présente au Cameroun sous une flopée de noms et de surnoms (Condom, Kitoko, Fighter, le Bond, King Arthur, Officer Vodka, Queen Coffee, Lion d’Or…), est une bénédiction des dieux.
A sec, mélangé à du vin de palme ou à la bière, le whisky en sachet bat tous les records de consommation. Chez les conducteurs de motos, par exemple, la devise semble être : « jamais sans mon condom ». La consommation moyenne ici tend vers la dizaine de sachets par jour par personne. Ceci pourrait justifier par exemple, la conduite hasardeuse des motos par ses individus imbibés d’alcool, source de nombreux accidents de circulation qui endeuillent plus souvent qu’à leur tour, les villes et campagnes du Cameroun.
Dans le seul hôpital Laquintinie de Douala, on avance le chiffre de 20 accidents de la circulation par moto chaque semaine, soit une moyenne de 3 accidents par jour. Des statistiques qui ont été révélées lors de la clôture de la semaine de cet hôpital tenue du 25 au 28 novembre 2014. On serait tenté de multiplier cette moyenne par le nombre d’hôpitaux de district et des formations sanitaires (publiques et privées) disséminés à travers la métropole économique du Cameroun pour avoir une idée du désastre que causent les motos-taximen à Douala seulement.
Dans l’arrière-pays, les jeunes ont trouvé dans le whisky en sachet le véritable nectar des dieux. Il n’y a pas de fêtes, d’obsèques réussies en l’absence du « Lion d’or » ou du « Kitoko » national. Au moins. Et pour véritablement « gâter le coin », un ou deux bidons de cinq litres. Ça c’est pour la fête. Mais le drame ici est que la fête dure sept jours sur sept.
Aussi, en 2013, Mme Antoinette Zongo, le préfet du Koung khi en tournée de prise de contact dans la localité de Batoufam a vigoureusement interpellé les jeunes du cru qui refusent de s’investir dans les travaux champêtres pour s’adonner seulement au taxi-moto. Mme le préfet expliquait alors que les jeunes du cru qui, essoufflés par l’alcool en sachet n’ont plus la force de travailler au champ et pour gagner le prix de leurs doses d’alcool, risquent leur vie et celle des autres sur la route. Avec le risque que lorsque les vieux qui travaillent encore ne seront plus là demain, la famine s’installera ici.
Cedric Pokam