A l’estuaire du Wouri, la mangrove du Bois des Singes se meurt. Depuis plus de vingt ans, les ressources animales et végétales de cet écosystème marin, appartenant au Golfe de Guinée, subissent de fortes pressions liées à l’activité humaine. Malgré les dénonciations des militants écologiques, cette zone écologique fragile, aujourd’hui envahie par les habitants, sert […]
A l’estuaire du Wouri, la mangrove du Bois des Singes se meurt. Depuis plus de vingt ans, les ressources animales et végétales de cet écosystème marin, appartenant au Golfe de Guinée, subissent de fortes pressions liées à l’activité humaine. Malgré les dénonciations des militants écologiques, cette zone écologique fragile, aujourd’hui envahie par les habitants, sert de dépotoir de boues de vidange et parfois des eaux usées de près de 3 millions d’habitants. Des déchets liquides déversés sans traitement préalable.
Des filets d’eau noire coulent derrière des maisons d’habitation construites dans la mangrove au quartier Dindé, communément appelé « Bois des Singes ». Assise sur un banc en bois rangé sur sa véranda, la main droite soutenant la tête, dame Brigitte semble avoir perdu ses forces. « Avant quand on déversait, ça descendait tout droit. Maintenant, les déchets débordent le site et inondent les alentours de ma maison. Je ne sais quoi faire pour contrôler les va et viens de mes enfants comme ceux des voisins », déplore-t-elle.
Le projet Maîtrise de l’assainissement dans un écosystème urbain dans la zone côtière de Douala et les quartiers environnants populaires de Yaoundé, en abrégé « MAFADI », déplore une situation dramatique de l’évacuation des matières fécales à Douala. Les résultats dudit projet, publiés en 2012, relèvent que chaque mois, près de 7 500 tonnes de boues de vidange sont collectées et déversées dans cette zone écologique fragile.
Une grande partie de ces déchets transitent par un bac en béton aménagé dans le coin pour servir de lit filtrant. Des spécialistes d’écologie le définissent comme un équipement d’assainissement permettant de séparer la matière solide de la matière liquide. Avant d’être rejetée dans la nature, la matière liquide subit un traitement. La matière solide, quant à elle, sert d’engrais pour les plantes. Mais, s’insurgent ces défenseurs de l’environnement, le lit filtrant n’a jamais fonctionné et à cela s’ajoute l’accroissement démographique.
Douala était peuplée de 809 852 habitants en 1987. Elle frôle les 2 millions, selon les résultats du 3ème recensement général de la population du Cameroun publié en 2011. En quête de logement et dépourvus de moyens financiers, ces familles occupent progressivement la mangrove du bois des Singes, en violation de la réglementation.
Autre constat, le site censé être provisoire connaît plus de vingt années d’existence aujourd’hui. « Le lit filtrant avait été réalisé à l’époque par le ministère de l’environnement et des forêts. C’était juste un aménagement sommaire, donc dépourvu de dispositif de traitement de ces boues de vidange. Malheureusement ce lit filtrant a été dépassé très vite compte tenu des quantités de boue de vidange qui étaient dépotées régulièrement », regrette le délégué régional du ministère de l’environnement et de la protection de la nature pour la région du Littoral, Sidi Baré.Des années après l’installation du lit filtrant, le site est confié à la Communauté urbaine de Douala. La situation reste inchangée. Pourtant, depuis 2004, la Communauté urbaine de Douala (CUD) a constaté la détérioration du lit filtrant, aménagé pour réduire les impacts négatifs sur la mangrove. Des années après, plus précisément en 2010, face à la presse, le Chargé d’études environnemental à la CUD déclare que la construction d’une nouvelle décharge est envisagée à hauteur de 5 milliards de Francs Cfa.
En attendant, le dépotage sauvage se poursuit. « Le surplus de boues de vidange se retrouve directement dans l’environnement immédiat. Canotte NCAA Plus grave, le plan d’eau et la forêt de mangrove se trouvent en aval du site de déversement de ces boues non traitées », précise Sidi Baré. Des militants écologiques tirent la sonnette d’alarme. « C’est une véritable catastrophe écologique qui s’annonce dans cette zone. Avec tout qu’il y a comme filtration de ces boues-là dans les eaux à consommer, c’est regrettable », argue Didier Yimkoa.
Un déversement sauvage
La Communauté urbaine de Douala déverse ainsi en pleine mangrove et sans traitement préalable, l’ensemble des boues de vidange collectées dans la ville, déplore le Projet « MAFADI ». Cette mangrove de l’Estuaire du Wouri se voit « utilisée comme filtrant de ces déchets liquides grâce à ses propriétés bio-épuratrices », explique Eric TALLA, spécialiste en Sécurité, Santé et Environnement. Dans son étude portant sur la Vulnérabilité des populations vivant dans la mangrove en Afrique Subsaharienne : Cas des Bois de Singes, l’auteur note un taux de concentration élevé des bactéries dans ces boues de vidange.