Le ministère du plan de la république du Cameroun vient de publier des données qui attestent que ce semestre, le Cameroun est en pleine croissance. Le président de l’Association citoyenne de défense des intérêts communs(Acdic) ; Bernard Njonga, émet des doutes sur les chiffres de la croissance dans le secteur primaire et présente dans cet entretien les incongruités de ces statistiques dans le domaine agricole.
Quelle lecture faites –vous de cette croissance semestrielle présentée par le Minepat ?
Quand on parle de hausse semestrielle, moi, en tant observateur indépendant, je m’interroge. Parce que la production agricole correspond au calendrier agricole. Or, le calendrier agricole est annuel. Quand on parle de production semestrielle, dites –moi ce qu’on récolte au premier semestre par exemple. La plutard des cultures se récoltent au second trimestre. Parce que le premier semestre, c’est de Janvier à Juin. Or de janvier à juin, on sort de la saison sèche, et on attaque la première campagne. Il est conseillé dans tous les itinéraires techniques de culture des plantes pérennes que la période des plantations, c’est mi-mars-Mai. Dans cette période-là, on n’est pas dans la récolte, on est dans la plantation. Par contre, quelle que soit la période de plantation, on récolte plutôt au courant du mois de septembre. Les évaluations semestrielles m’embêtent un peu.
Quand pour les exportations de cacao, on parle de 48%, je veux comprendre. On sait très bien que depuis des années, on n’a pas dépassé les 250 000 tonnes de cacao produites au Cameroun. En plus, la qualité du cacao camerounaise n’est pas celle qu’on aurait souhaitée. Quand vous prenez la banane, le Cameroun exporte à peine 250000 tonnes de bananes. Et quelle banane, la banane de Ndjombé, on sait ce que c’est. Quand on lit ces données, c’est flatteur. Pourtant, on ne ressent pas cette production qu’on présente sur la balance commerciale, ni sur le niveau de vie des camerounais. De quelles hausses parle-t-on ?
Ces derniers mois, on a quand même enregistré l’arrivée de nouveaux investissements, notamment dans le cacao-culture et dans le secteur de l’hévéa. Je prends l’exemple d’Hévécam qui a reçu un financement d’environ 10 milliards de FCFA d’Afriland first Bank. Ce sont des entrées qui favorisent la production.
Je peux affirmer que ces derniers temps, qu’on a fait des investissements visibles dans la culture du cacao, un peu dans l’hévéaculture. Mais le temps qui nous sépare de ces investissements réels est encore très court pour qu’on puisse déjà mesurer les avancées comme celles qu’on présente au ministère du plan. Evidemment, les avancées sont exprimées en pourcentage à l’exportation. Peut-être qu’il y a eu des stocks qu’on a exporté au cours de cette période. Parce qu’on peut récolter et ne pas exporter. Mais là encore j’émets des doutes.
Cependant, je reste personnellement embêté et déçu du fait que quand on parle de croissance dans le secteur primaire, donc la production agricole, on ne touche pas à ce que j’ai appelé cultures vivrières. Pourquoi on n’évalue pas le maïs, les arachides, l’igname, le taro, le macabo, le manioc, le plantain. Pourtant ; il s’agit de choses qui, sans qu’on ne se rende compte, plombent considérablement la balance commerciale. A défaut de pouvoir mesurer la croissance de ces cultures vivrières, on laisse libre cours aux importations. Nous savons tous qu’n 2012, le Cameroun a importé environ 410 000 tonnes de riz. Ces importations plombent à la fois le riz produit localement que je ne vois dans ces données, amis aussi la production de macabo, de plantain, et tout ce qui accompagnement.
Selon vous, qu’est ce qui doit être fait ? Qu’est –ce que vous souhaitez ?
En réalité, la meilleure forme de croissance économique qui nous reste à l’heure actuelle se situe sur la production vivrière. Figurez-vous que quand on importe du riz, ça empêche d’acheter le riz local. Ça empêche aussi d’acheter le macabo, le plantain. Et c’est comme ça que les produits deviennent des produits de luxe dans nos marchés. Si je prends le cas du maïs, du manioc ou du plantain, vous verrez qu’il y a des produits qui peuvent dynamiser le secteur industriel local. je prends le cas du maïs avec l’agriculture par exemple. Si on ne parle pas du maïs, ça veut dire qu’il y a tout un pan d’une activité industrielle qui devrait être locale qui est freinée. Pourtant avec ce secteur, on a des avantages comparatifs qui peuvent être déterminants. Aujourd’hui on a la chance que rien ne concurrence les œufs camerounais. Même si les œufs viennent du Nigéria, ça reste marginal. Mais pour maintenir cet avantage, il faudrait que le maïs qui rentre dans la production de la provende pour nourrir les poulets existe en abondance. Malheureusement, on n’en parle pas dans vos chiffres. Pour moi, c’est une croissance économique trompeuse.
Propos recueillis par Frégist Bertrand Tchouta