La Société Sucrière du Cameroun (Sosucam) est considérée comme un antre de l’esclavagisme des temps modernes et un centre de destruction massive de l’environnement.
Pour paraphraser un rapport publié en 2010, par Les Amis de la Terre Europe et intitulé « De la forêt, à la fourchette Ou comment les bovins, le soja et le sucre détruisent les forêts brésiliennes et les climats», on dirait « de la forêt, à la tasse ou comment la Sosucam détruit la forêt camerounaise ». En effet, dans sa volonté de réussir son ambition de porter sa production annuelle de sucre à 200.000 tonnes, « Le gouvernement camerounais a signé en 1965 puis en 2006, deux baux de 99 ans concernant respectivement 10 058 et 11 980 hectares afin d’y développer ses activités de production et de transformation de la canne à sucre. Le premier contrat prévoyait des indemnités. Elles n’ont jamais été versées. Pour le deuxième contrat la Sosucam verse une indemnité annuelle de 3 145 euros (2 062 985 francs CFA) à l’ensemble des communautés affectées, soit environ 5 euros par famille par an! » Ce qui représente 30.000 hectares de forêt qui ont été détruites, avec à la clé l’érosion des sols et une forte odeur de méthane sur le site.
Même si la culture de la canne à sucre est profitable pour certains secteurs de l’économie camerounaise, contribue à créer plus de 7800 emplois au Cameroun, et rapporte neuf milliards de FCFA par an, en terme de taxes à l’Etat du Cameroun, il reste toujours vrai que la culture de la canne à sucre dans le département de la Haute-Sanaga est la principale cause de déforestation. N’en déplaise au patron de la Sosucam Louis Yinda, qui estime que les quelques ares de forêt galerie essaimés ici et là à travers les vastes étendues de champs de canne à sucre contribue à la préservation de l’environnement.
Il faut ajouter à cette déforestation pour planter la canne à sucre, l’utilisation massive d’engrais, des pesticides mais surtout, la technique empirique de récolte, le brûlage de la canne à sucre qui est usitée ici. La conséquence de cette façon de faire est l’émission de deux gaz à effet de serre ; le méthane et l’oxyde nitreux. Le méthane et l’oxyde nitreux ont un potentiel de réchauffement climatique élevé, respectivement 20 et 300 fois supérieur à celui du gaz carbonique. Il est donc régulier, le phénomène des « black mouds« , sorte de grands nuages sombres composés des substances toxiques qui couvrent le ciel des plantations et des environs de Sosucam à Mbandjock et Nkoteng. Plus, les paysans n’ont plus accès à leurs terres et le peu les cultures vivrières qu’ils produisent tend à devenir impropres à la consommation en raison de la pollution des ressources naturelles induite par les activités de la Sosucam.
Malaise social
Cette méthode de récolte satisfait la direction de Sosucam. Il est établi par les environnementalistes que, la culture sur brûlis, pratiquée par la Sosucam, est fortement nocive pour les populations et l’espace naturel. Ils sont formels sur le fait que la combustion des pailles transforme immédiatement le carbone végétal en dioxyde de carbone (CO2) et en méthane, qui attaquent violemment la couche d’ozone. Une enquête menée par l’Ajafe en 2009, concluait que la ville de Mbandjock développe anormalement des cas d’asthmes et de toux chroniques. Ce faisant ; Les centres de soins de santé de Nkoteng reçoivent pour la plupart, et surtout des jeunes patients, des personnes souffrant des infections pulmonaires. Des conclusions que confirment le rapport de l’Association pour le développement intégré et la solidarité internationale(Adisi), qui affirme que dans les hôpitaux de Nkoteng et de Mbandjock, les maux de poitrine… sont les principales maladies dont se plaignent les agents en service dans les champs de canne. Ils sont « menacés par la stérilité due à la manipulation de produits phytosanitaires dangereux, la tombée des cendres due au brulis, ils sont aussi exposés aux maladies respiratoires et ophtalmologiques, chez les plus jeunes ».
Une alternative à la récolte sur brûlis moins nocive pour les populations et l’environnement existe. Elle exige une mécanisation de la récolte qui réduit non seulement considérablement l’émission de gaz carbonique dans l’atmosphère, mais entraîne malheureusement aussi une réduction substantielle du personnel.
Devrait-on alors considérer que l’option de la technique de la récolte manuelle des cannes à sucre après brûlage est un choix social (humanitaire) de la direction de Sosucam ? D’après diverses Organisations non gouvernementales et associations de la société civile qui décrient la situation dans la « Suger valley« , le site de production de la Sosucam, à l’instar de Sherpa International ou encore récemment l’Association pour le développement intégré et la solidarité internationale (Adisi), les conditions de vie et de travail dans les plantations de la Sosucam se situent «entre drame humain et esclavagisme des temps modernes ». Durant les 6 mois que dure la saison sucrière, explique Adisi, 7000 temporaires sont ainsi exposés à la pluie et au soleil, sans aucune protection, avec au bout de 4 semaines d’un travail robotisé, un revenu mensuel de misère.
Alain frejus Ngompe