Curieux, en effet, cette couleur brune, rose ou bleue que prend la pulpe d’un fruit, d’un avocat ou d’un champignon quelques minutes après que la lame a détruit les cellules végétales, plaçant leur contenu à l’air libre.
Sont ainsi exposées à l’oxygène des substances contenues dans la vacuole centrale des cellules, les phénols, composés à base de benzène qui participent au goût. Cette vacuole sert à la fois de réserve d’éléments indispensables comme l’eau, des ions (potassium, calcium…), et de lieu de stockage de déchets ou de produits de défense ou de sécrétions comme des pigments, des enzymes ou des sucres.
La destruction cellulaire libère une enzyme, la polyphénoloxydase, qui, en présence d’oxygène, réagit avec les phénols : elle les oxyde, ce qui donne une couleur à ces composés incolores. On parle de « brunissement enzymatique ».
Cette oxydation a-t-elle une utilité pour le végétal ? « On pense qu’elle peut intervenir dans les réactions de défense, puisque les produits de l’oxydation des phénols sont relativement agressifs pour les micro-organismes. Lors d’une blessure, la transformation des phénols pourrait favoriser la reformation des tissus en augmentant le nombre de liaisons entre macromolécules », avance Jacques Nicolas, du laboratoire de biochimie industrielle et agroalimentaire du conservatoire national des arts et métiers de Paris.
La parade ? Un trait de jus de citron ou d’orange sur les salades de fruits qui leur fera conserver leur couleur d’origine. La polyphénoloxydase sera en effet inactivée dans un milieu acide. Les industriels pratiquent, eux, le « blanchiment », qui consiste à chauffer les fruits immédiatement après leur découpe ; la chaleur inactivant l’enzyme. Le conditionnement sous vide ou l’acide ascorbique ‘antioxydant) permettent aussi de conserver les aliments. Mais on ne cherche pas toujours à éviter le brunissement enzymatique.
La blondeur des raisins secs, la couleur du thé noir comme celle du café et celle du cacao sont en effet à mettre sur le compte de l’oxydation des phénols.
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