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Cameroun : un bois précieux au centre d’une mafia

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Bubinga-Les trafiquants ont une manœuvre bien connue. Ils vont chercher le Bubinga dans les forêts communautaires en soudoyant les populations riveraines.

La ville d’Oveng, chef-lieu de l’arrondissement du même nom, dans le département du Dja et Lobo, région du Sud, tire la quintessence de son nom de l’appellation d’un arbre qu’est l’Oveng. Dans l’univers culturel des fang-Béti, encore connu sous l’appellation «  les Pahouins », l’arbre Oveng, est aussi nommé Essingan. C’est le même arbre qu’on appelle aujourd’hui Bubinga.

Sur le plan de la technique forestière, il s’agit d’une essence de la famille du « Quiboursia termanu ». Selon diverses sources spécialisées, à l’heure actuelle, dans la région forestière d’Afrique centrale en général et plus précisément du Cameroun, le Bubinga est un des bois les plus précieux, sinon le plus précieux.

M.Abanda Joseph, technicien des eaux et forêts explique que « le Bubinga qui est en fait connu sous les appellations d’Oveng, et Essingan était considéré autrefois comme le « le roi de la forêt ». Une certaine légende lui donne un caractère de bois mystique de par sa solidité. Il est donc resté une espèce forestière de grande qualité, très prisé et qui a des fonctions multiples. C’est pour cela que face à sa rareté, l’Etat du Cameroun a décidé de le protéger par une législation particulière ».

Les poches forestières où l’on trouve le Bubinga au Cameroun se situent essentiellement dans la région du Sud. Certains anthropologues contemporains indiquent sans nuance que le Bubinga est un bois qui épouse intimement la région où vivent les peuples Fang-Béti. C’est-à-dire qu’il est localisé dans les forêts qui côtoient l’Océan Atlantique, notamment au fond du golfe de Guinée (zone de Lolodorf), pour ressurgir dans les grandes forêts qui entourent les départements de la vallée du Ntem et de la Mvila, avant de s’asseoir profondément dans les forêts du département du Dja et Lobo, précisément dans les arrondissements d’Oveng et de Mvangan, unités administratives voisines de la frontière gabonaise.

Le Bubinga qui, on ne sait pas trop comment, a évité les massifs forestiers de l’Est-Cameroun, est spécifiquement  basé dans l’aire protégée baptisée « sanctuaire à Gorilles de Mengame ». D’où les multiples incursions des trafiquants.

Classé dans la catégorie des essences protégées, du fait de sa rareté, et la menace de disparition qui pèse sur lui, le Bubinga a toujours été une essence défendue.  Son prix sur le marché  national et international a particulièrement flambé. Cet or vert est donc devenu singulièrement recherché pour sa texture, sa couleur, et sa résistance. Paul M. exploitant forestier camerounais confie que « le Bubinga aujourd’hui est au centre de tractations multiples. Tout le monde sait que la coupe et l’exploitation de cette essence sont prohibées. Mais depuis que la piste asiatique s’est imposée, il ya beaucoup d’argent qui circule dans la filière d’exploitation frauduleuse du Bubinga. La complicité des exploitants forestiers est avérée ». Et de poursuivre que « les autorités du ministère des forêts sont parfaitement au courant et parfois même, il se dit que sur le terrain, elles sont de connivence avec les trafiquants ». A en croire notre source, sachant que l’exploitation du Bubinga est interdite, les trafiquants ont une manœuvre bien connue. Ils vont chercher le Bubinga dans les forêts communautaires en soudoyant les populations riveraines. Après avoir abattu les arbres, l’étape suivante consiste à le faire sortir des forêts. Les trafiquants contactent alors des exploitants forestiers légaux, titulaires des ventes de coupe ou des unités aménagées et titulaires d’une licence dans l’activité d’exploitation forestière. « Ceux –ci entrent alors dans la combine en certifiant que les essences exploitées sortent effectivement des forêts qui leur ont été attribuées pour exploitation par l’Etat camerounais. Ou encore plus cyniquement, ils déclarent d’autres essences telles que le Tali par exemple qui s’apparente au Bibunga. Les lettres-voitures sont ainsi truquées… le scandale réside dans le fait que non seulement les trafiquants et leurs complices exploitent une essence interdite de coupe, mais aussi, ils ne payent pas les différents taxes » détaille-t-il

Jean François Channon-Le Messager-

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