Le désengagement de l’Etat dans la gestion et la conservation du parc national de la Bénoué classé patrimoine de l’Unesco depuis 1981, inquiète nombre de riverains. « Cette situation est connue des autorités administratives depuis plusieurs années. Des rapports ont été transmis à la hiérarchie, mais tous sont restés lettres mortes », regrette un responsable à la délégation régionale des Forêts et de la faune du Nord.
En effet, en juin 2009, Saleh Adam alors conservateur du parc, s’indignait déjà dans un rapport d’évaluation adressée à sa hiérarchie. « Les parcs nationaux et les zones d’intérêts cynégétique au Cameroun sont des aires protégées. De ce fait, nul n’a le droit d’y circuler ou d’y pratiquer des activités sans une autorisation signée du ministre des Forêts et de la faune. Or ici dans le Mayo-Rey, cette loi est foulée aux pieds, méprisée en dépit des campagnes de sensibilisation menées par les administrations techniques locales. C’est ainsi que depuis un certain temps, le parc national de la Bénoué et la Zic 09 subissent une forte pression des individus qui y sont installés et mènent des activités illégales (exploitation de l’or, de la forêt et de la faune) », pouvait-on lire dans son document.
Malgré ces cris d’alarme, le gouvernement n’a pas remué le plus petit doigt. Aujourd’hui la situation ne fait que s’empirer. Les chercheurs d’or centrafricains et Tchadiens déferlent sur le parc. « La situation du parc de Bénoué n’est pas facile à gérer de nos jours. C’est regrettable pour un pays comme le nôtre de connaitre de tels phénomènes. Nous n’avons pas connu de famine comme dans d’autres Etats pour dire que c’est par la force des événements que nous en sommes arrivés là. Nous n’avons pas non plus le ratio de 30% des réserves et aires protégées que nous nous sommes fixés, mais bradons déjà ce que nous avons construit pendant des décennies. S’il est facile de faire déguerpir les orpailleurs, puisqu’il suffit d’une volonté politique réelle pour que cela s’arrête, il n’est cependant pas facile de ramener dans le parc tous ces animaux chassés. Or, c’est grâce aux espèces rares qui s’y trouvent que ce parc a été classé patrimoine de l’Unesco en 1981 » regrette un responsable de la délégation régional des forêts et de la Faune du Nord.
Cette inaction est guidée par les intérêts que procure aux autorités administratives et traditionnelles, l’exploitation de l’or. « Le conservateur du parc et ses collaborateurs, de même que les autorités administratives, passent régulièrement ici. Ils ne sont pas exigeants et acceptent ce que nous leur proposons. Le lamido quant à lui nous a imposé des taxes à payer toutes les deux semaines. Il est de 25 000 fcfa par appareil PGX4500 et 15000 francs pour les T2. Ses dogaris veillent au grain et les montants ainsi arrêtés ne sont pas négociables. Les tenancières des restaurants quant à elles déboursent mensuellement 20000 francs soit 10000 francs FCFA toutes les deux semaines. Au regard du nombre d’appareils en service dans ce parc qui tourne autour de 400, il est clair que cette activité rapporte un petit pactole au lamido »declaré Abdoul Bagui, chef d’épuipe au chantier Million. Les dogaris Hassana Ngnabai,Valdjouna Flaubert et Bah Oumarou et l’adjoint au maire sortant Bello Liman sont les collecteurs d’impôts affectés à cette tâche par le lamido.
En attendant que le gouvernement prenne véritablement ses responsabilités au moment où la communauté internationale exhorte les Etats à œuvrer pour la conservation et la protection de la biodiversité, le lamido d Rey Bouba et les autorités administratives continuent de se frotter les mains.
Yvonne Salamatou