Le cotonnier est la principale culture de rente dans le nord du Cameroun, où sa productivité est largement conditionnée par le climat. Quel sera dès lors l’impact du changement climatique sur son rendement ? Des chercheurs du Cirad, de l’IRD et de l’Irad, en combinant expérimentation, modèle de culture et projections climatiques, ont simulé l’évolution des rendements pour les 50 prochaines années. Avec ce résultat paradoxal que les rendements en coton devraient progresser grâce à l’effet fertilisant de l’augmentation des taux de gaz carbonique, et ce, en particulier avec les techniques d’agriculture de conservation.
La production de coton représente une importante source de revenus pour les pays africains, en particulier pour le nord du Cameroun, où le cotonnier est la principale culture de rente. Des études récentes montrent que, comme au Mali, le climat y est un facteur déterminant de la productivité. La question est donc de savoir comment ces rendements évolueront face au changement climatique. Des chercheurs du Cirad, de l’IRD et de l’Irad, en modélisant les cultures et le climat pour les 50 prochaines années, ont simulé le devenir de ces rendements.
Agriculture de conservation et semis sans labour pour restaurer les sols
Dans le nord du Cameroun, trois systèmes de rotation céréales/coton sont pratiqués : deux systèmes conventionnels, l’un avec labour et l’autre avec semis direct sans couverture végétale, et un système innovant de semis direct sur couverture végétale.
Ce dernier système a été introduit dans la région depuis une dizaine d’années par les services de vulgarisation, afin de restaurer les sols appauvris. Il permet d’augmenter les rendements, principalement grâce à une meilleure utilisation des ressources en eau, en limitant le ruissellement et l’évaporation.
Les principaux avantages des techniques de semis direct sur couverture végétale résident dans le fait que les cultures peuvent être semées plus tôt que dans les systèmes conventionnels, dès les premières pluies, et qu’elles bénéficient de plus d’eau à la fin de la saison des pluies, ce qui retarde la fin de la floraison. Ces avantages peuvent s’avérer particulièrement intéressants dans le contexte du changement climatique, où les besoins en eau augmentent et où les précipitations sont plus erratiques pendant les périodes de croissance décisives pour les cultures.
Une hausse des rendements de 1,3 kilo par hectare et par an
Les chercheurs ont utilisé Cropgro, un modèle de culture qui simule les effets du climat, du sol, et du système de culture sur les principales caractéristiques de croissance du cotonnier. Le modèle de culture a été calibré et validé avec des données d’observations réalisées au champ, de 2001 à 2005, et en station expérimentale, en 2010. Ils l’ont appliqué à deux régions du nord du Cameroun et à un ensemble de six projections climatiques régionales, qui associent modèles climatiques généraux et régionaux.
Selon ces simulations, les rendements en coton devraient progresser de 1,3 kilo par hectare et par an, en moyenne, avec des réponses qui vont de 0 à de 2,57 kilos par hectare selon le modèle climatique utilisé. Le changement climatique aurait donc, contre toute attente, un effet positif sur la production de coton dans le nord du Cameroun.
L’augmentation du taux de gaz carbonique a un effet fertilisant
Cette augmentation des rendements résulte de la combinaison de deux facteurs.
Premièrement, une hausse des températures de 0,05 °C par an accélère la phénologie – un effet confirmé en serre – avec pour résultat un cycle de culture plus court, de 1,23 jour pour la date de floraison et de 2,2 jours pour la maturité, tous les 10 ans. Même si cette accélération peut avoir un impact négatif sur le rendement et la production de biomasse aérienne, aucun changement net des indices de récolte n’est prévu par les simulations et l’un des modèles prévoit même une augmentation de la biomasse aérienne et du rendement.
Deuxièmement, l’augmentation du taux de gaz carbonique a un effet fertilisant sur la culture, qui contrebalance l’effet probablement négatif de la réduction de la période de remplissage des grains. En effet, la tendance positive du rendement disparaît si la simulation s’effectue à concentration constante de gaz carbonique.
Adopter des systèmes de culture innovants pour anticiper les changements climatiques
Si les simulations prévoient bien une augmentation des rendements, celle-ci dépend largement du système de culture pratiqué. Les chercheurs ont constaté que les rendements augmentaient surtout pour le système de semis direct sur couverture végétale, du fait probablement d’une diminution des pertes en eau grâce à la couverture du sol.
Le changement climatique va modifier les conditions de croissance du cotonnier dans le nord du Cameroun. Pour faire face à ces changements, il faudra soit retarder la plantation de 5 à 10 jours, si le matériel génétique utilisé a toujours la même phénologie, soit modifier la phénologie des futurs cultivars en retardant le début de la floraison et en allongeant la période de remplissage du grain, pour différer la maturation des cultures. Quoi qu’il en soit, il faudra anticiper ces changements en adoptant des systèmes de culture innovants et en adaptant les techniques culturales.