Des habitants de Nsessoum, au sud du Cameroun, ont vendu clandestinement l’unique Bubinga de leur village, essence protégée dont la vente est interdite. Ce qui a provoqué la colère de leur chef.
Le Bubinga à l’origine de la discorde entre une partie de la population du village Nsessoum et leur chef traditionnel, Ostin Beyeme Nsoheng a été saisi le 23 mai à Kribi. Il venait d’être évacué des forêts de ce village situé sur l’axe Ebolowa-Ambam. Le 9 mai, à l’insu de leur chef, des villageois ont vendu cet arbre abattu dans la forêt communautaire, pour le prix de 2.000.000 Fcfa. Puis ils se sont partagé l’argent. Pourtant la vente de cette essence est interdite. « Depuis le mois de novembre 2012, le ministre des Forêts et de la Faune a strictement interdit l’exploitation du Bubinga à titre conservatoire dans les forêts qui ne sont pas des unités forestières d’aménagement (Ufa)», explique Armand Etoa Akoa, le délégué du ministère dans le département de l’Océan.
Aussitôt informé, Ostin Beyeme Nsoheng a alerté le chef de poste forestier de Meyo-Centre, dont dépend le village. Le fonctionnaire s’est rendu sur les lieux . Ce qui a permis de retrouver le bois vendu.
Conjurer le mauvais sort
Les villageois auteurs de l’infraction se défendent. Prenant la parole en leur nom, Marcel Ondo Nkoulou, explique que « l’arbre était une source de mauvais sort et de malédiction dans le village, c’est pour s’en débarrasser qu’il a été vendu ». Le Bubinga, considéré comme sacré dans cette localité, « freine le développement du village », ajoute le villageois. D’après lui, l’arbre était responsable du chômage des jeunes, de l’abandon du village par les élites et des décès non élucidés de ces derniers temps.
Janvier Nkoulou Ondo, un autre habitant de Nsessoum affirme que, «la décision de vendre l’arbre sacré a été prise à l’unanimité par la population». Il met en cause l’intégrité de son chef, qu’il accuse d’être de mauvaise foi : « Le chef s’y était opposé parce qu’on ne lui a rien donné. On s’apprêtait pourtant à lui remettre sa part, mais il a été trop impatient et s’est mis à se répandre en déclarations dans les média. Il nous accuse, or tout le monde sait ici qu’il a voulu vendre en cachette, cet arbre qui ne lui appartient pas, dans le but d’empocher l’argent tout seul alors qu’il n’est pas membre de notre forêt communautaire».
Une essence interdite d’exploitation
Coordonateur du Centre d’appui aux initiatives paysannes (Caipe), une organisation non gouvernementale spécialisée dans la foresterie communautaire, Daniel Ellom Nna, dénonce l’abattage de ce bubinga. «Ils auraient pu couper l’arbre et l’exploiter pour fabriquer des meubles pour leur propre usage, comme le permet la loi». « Les villageois gardent la forêt, mais elle appartient à l’Etat», ajoute-t-il.
Joint au téléphone, le 23 mai, Armand Etoa Akoa, le délégué départemental des forêts et de la faune de l’Océan confirme la saisie du chargement de bois. « Les camions transportant le bubinga en provenance du département de la Vallée du Ntem ont été conduit à la compagnie de gendarmerie de Kribi. Ces camions y sont actuellement stationnés et les conducteurs qui devaient être entendus par les gendarmes se sont enfuis », explique-t-il.
Ce bois saisi sera vendu aux enchères dans les prochains jours, selon le fonctionnaire.
Jérôme Essian (JADE)
Pourquoi le Bubinga est interdit d’exploitation,
Le bubinga est interdit d’exploitation à titre conservatoire dans les forêts qui ne sont pas des unités forestières d’aménagement (Ufa) au Cameroun depuis novembre 2012. Cette décision du ministre des Forêts et de la Faune est le résultat des inventaires menés dans les forêts locales et qui ont montré que cette essence est en voie de disparition. Des réunions ont été multipliées auparavant pour fixer les bases de son exploitation durable. En 2011, le ministère des Forêts et de la Faune va suspendre provisoirement sa commercialisation, avant de l’interdire en 2012. L’Accord de partenariat volontaire Flegt classe le bubinga parmi les essences interdites d’exportation. Le bubinga est une essence d’origine africaine qui provient principalement du Cameroun et du Gabon. Sa couleur varie du rouge au brun. Il sèche bien à condition que l’opération soit faite lentement. Il est très prisé sur le marché international pour sa haute qualité de bois.
Charles Nforgang (JADE)
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