Cette tendance ira galopante dans les prochaines années si rien n’est fait pour freiner les causes dont le paludisme, les infections mais surtout le manque de ressources, entre autres.
Un jeune femme d’environ 30 ans ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle est déjà tombée enceinte trois mais elle n’a eu que des mort-nés. D’après ses dires, la dernière grossesse, en 2011, a failli l’arracher à la vie, si sa famille ne mobilisait pas les moyens financiers nécessaires pour que l’intervention chirurgicale se déroule à temps. Cadres dans des multinationales, Joséphine N, Gisèle A. et Monique T, camarades d’école ont la même histoire. Il y a quelques mois, elles perdaient leur enfant peu de jours après leur naissance.
La mortalité infantile est un fléau qui prend de l’ampleur au Cameroun. Les résultats de l’enquête démographique et de santé réalisée en 2011 chiffre à 31/1000, le nombre d’enfants qui meurent avant l’âge d’un mois au Cameroun. 62/1000 décèdent avant d’avoir fêté leur premier anniversaire tandis que 122/1000 n’atteignent pas 05 ans. Ces chiffres qui sont en hausse ces dix dernières années pourraient augmenter si des mesures ne sont pas prises pour lutter contre les causes et les facteurs militants, selon le Dr Matina Baye, médecin et conseiller technique No1 au ministère de la Santé publique. Celle-ci cite entre autres, le paludisme, les maladies respiratoires, les maladies diarrhéiques, la malnutrition, le sida et la prématurité comme des causes des décès des enfants.
Mais à côté de ces causes, Catherine Zoa Mbida, infirmière diplômée d’état en santé de reproduction, évoque le problème des mentalités des parents et du personnel hospitalier. « Le paludisme, la diarrhée ou encore les infections respiratoires ne sont pas des fatalités. C’est la manière avec laquelle on les prend en charge qui pose problème. Les parents perdent beaucoup de temps parfois chez des personnes qui n’ont pas de compétences face au cas à traiter. La décision de se rendre à l’hôpital intervient quand on ne peut plus rien faire », s’insurge-t-elle. Pour ajouter que « le personnel hospitalier n’a pas encore développé des aptitudes pour la prise en charge urgente des cas d’urgence. Lorsqu’un enfant arrive dans un hôpital en vomissant par exemple et qu’on attende plus de 05 heures pour le consulter. Parfois, la pharmacie de la formation sanitaire est en rupture de stock des médicaments, il faut parcourir toute la ville. Sans oublier que dans certains cas, le médecin de permanence, qui parfois n’est qu’un étudiant en stage dans l’hôpital, se retrouve seul avec plusieurs enfants. Il doit faire recours au cadre expérimenté et c’est le temps qu’on perd.»
Ressources
Mme Zoa Mbida relève aussi que la misère est pour beaucoup dans ce qui arrive. « Il y a des gens qui ont peur de se rendre à l’hôpital parce qu’ils se disent que les prestations sont chères et se contentent des décoctions ou de l’automédication. Il faut que les parents s’investissent dans la prévention et que le personnel de santé accepte de référer le malade à temps au lieu de le retenir en sachant que le cas n’est pas à son niveau. Au vu des mentalités des parents et des traitants, la gratuité des kits n’est pas la solution. Ils peuvent être boudés par les parents ou détournés dans les hôpitaux »
Pour Emmanuel Kiven, responsable d’une organisation de la société civile œuvrant pour les questions de santé, la politique en cours au Cameroun ne peut pas aider à résoudre les problèmes qui se posent actuellement dans ce secteur. « Beaucoup de structure de santé ont été créées, mais les mesures n’ont pas suivi. On retrouve des centres de santé dans les villages, sans personnel, ni équipements. Finalement, les bâtiments se retrouvent dans la broussaille », dit-il.
Le manque de personnel en qualité et en quantité pose aussi problème. Le ministère de la Santé publique reconnait cette situation. Dans la stratégie de campagne pour l’accélération de la réduction de la mortalité maternelle et infantile (Carmma) qu’il a initiée, l’amélioration des ressources humaines est considérée comme le premier des 06 axes stratégiques. Il faut dire que la vague de personnel médicosanitaire recruté en 2009 à la Fonction publique est toujours en attente de son premier salaire. Plusieurs d’entre eux ont simplement déserté leurs postes d’affectation.
Adrienne Engono Moussang