Dans une interview accordée au journal régional l’œil du Sahel, le Dr Martin Achiri Fru, chef de division d’éradication des glossines dans le Nord et l’Extrême-Nord analyse la situation des mouches tsé-tsé dans le Nord et l’Extrême-Nord. Il propose aussi tes pistes d’éradication complète de ce fléau au Cameroun.
Quelle est la mission de la division d’éradication de la mouche-tsé-tsé ?
Sa mission est d’assainir et si possible, éradiquer les vecteurs porteurs des germes de transmission de la maladie du sommeil à l’homme et de la trypanosomiase aux animaux. En tant que chef de la division de cette unité dans les deux régions que sont le Nord et l’extrême-Nord, notre objectif principal est de réduire le taux de la trypanosomiase animale en élimant les vecteurs mécaniques tels que le tabanidé et les stomoxys.
En général, les glossines sont spécifiques à la végétation dans laquelle elles se trouvent. On a donc les mouches des zones forestières, des zones de savane et des zones marécageuses ou des fleuves. Ces mouches ont tendance à se concentrer dans les zones où l’on trouve leurs hôtes notamment les zones où l’on pratique une activité pastorale.
Depuis le lancement de ce projet d’éradication dans les années 70 au Cameroun, le nombre de glossines a considérablement baissé et celles-ci se sont alors concentrées dans les parcs et les zics (zones d’intérêts cynégétiques) qui posent un problème majeur d’éradication. Pour tout dire, les zones de pâturages assainies à l’époque ont de nouveau été envahies par les mouches tsé tsé. Ce qui constitue un sérieux problème aujourd’hui.
Le cas de Poli dans le Faro, est assez révélateur. Une enquête entomologique récente révèle la présence de l’espèce Glossina tachinoides dans la localité. D nouvelles missions d’étude seront effectuées sur le terrain notamment dans les localités de Lagdo,Tcheboa ou encore Tcholliré, Mbaîmboum, Touboro et là, nous pourrons alors évaluer le degré de réapparition de ces mouches.
Quels sont les dégâts causés par la mouche tsé-tsé au Cameroun ?
La création de la division d’éradication de la mouche tsé-tsé depuis les années 1974 au Cameroun a montré que la trypanosomiase avait un impact très négatif sur le bétail et par conséquent sur l’économie camerounaise. Selon la FAO, la trypanosomiase fait perdre par an plus de 3 millions de tête de bétail dans 37 pays de l’Afrique subsaharienne où l’on trouve encore la mouche tsé-tsé, porteuse de la maladie. Au Cameroun, selon les chiffres officiels, plus de 25 % du bétail est touché par la maladie transmise par les glossines. On peut facilement déduire les conséquences économiques dues à cette maladie. Raison de plus pour l’éradiquer.
Peut-on s’attendre à une éradication complète de cette mouche au Cameroun en général et dans la région du Nord en particulier ?
Si la volonté y est, il est possible d’aboutir techniquement à une éradication complète de glossines, vectrices de la trypanosomiase chez les animaux. Le Botswana est une parfaite illustration ainsi que 14 autres pays africains dont le Sénégal, qui ont montré leur ferme détermination dans la lutte contre cette maladie. Tout ceci requiert donc beaucoup d’attention, de volonté mais surtout de financements.
Egalement une bonne coordination dans la synchronisation des activités des pays de l’Afrique centrale où l’on trouve encore ces glossines. La culture dans les laboratoires des sujets mâles stériles et leur relâchement dans la nature est la dernière étape clé dans le processus d’éradication complète conduisant la suppression totale de la population des glossines. Oui, une éradication complète est possible au Cameroun en général et dans la partie septentrionale en particulier s’il ya la volonté mais surtout la détermination d’aller jusqu’au bout du processus enclenché.
Propos recueillis par Telesphore Mbondo.-l’œil du sahel-