Encouragés par leur surarmement et la passivité sinon la complicité des populations riveraines, les braconniers ont décidé de s’approprier les aires protégées de forêt et de faune.M. Djogo Toumouksala, le délégué régional du Minfof de l’Est, a jeté un pavé dans la mare, en décriant la prolifération des armes de guerre dans trois des quatre départements de la région de l’Est. Il s’agit de la Boumba et Ngoko où se trouvent les parcs nationaux de Lobéké et de Boumba Bek ; le Haut-Nyong qui abrite le parc de Nki et la réserve biosphère du Dja et la Kadey qui est dotée de nombreux sites touristiques. C’était le vendredi, 1er mars 2013, à la délégation régionale Forêts et de la Faune de Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est, lors d’une séance de travail entre Ngole Philip Ngwese, le ministre des Forêts et de la Faune (Minfof) et tout le personnel de son département ministériel, les opérateurs du secteur forestier, les autorités administratives de cette région dite du Soleil levant.
A titre de rappel, Plus de 200 armes, constituées d’armes de fabrication locale «ngumta», d’armes russes et de carabines de chasse, 500 munitions de calibre 12, au moins, avaient été saisies, le 27 mai 2011, par la délégation départementale des Forêts et de la Faune (Minfof) du Haut-Nyong, dans un village du nom de Ndama. Au nombre des cinq personnes interpellées dans le cadre de cette opération, l’on comptait le chef du village.
Le délégué du Minfof de l’Est, a expliqué que cette présence accrue des armes de guerre dans sa sphère de commandement est la conséquence de l’existence d’une longue frontière poreuse entre le Cameroun et le Tchad et le Congo. Ces deux derniers pays s’étant souvent caractérisés par des guerres civiles intermittentes.
Le Ministre Ngole Ngwese, qui venait de terminer une visite travail de quatre jours à travers les principaux bassins d’exploitation forestière à l’Est, a pour sa part relevé pour le souligner, la complicité agissante des populations et même des agents du Minfof, dans cette prolifération des armes de guerre dans les environs des parcs, les aires protégées camerounaises et autres sites forestiers d’intérêt touristique. Un point de vue qui rappelle celui de Jean Baptiste Bokam, le Secrétaire d’Etat à la défense qui, en novembre 2008, a demandé aux notabilités traditionnelles des régions septentrionales, de cesser d’apporter leur concours (voulue ou forcée) aux braconniers et autres bandits de grands chemins qui écument la région.
Ecogardes en danger
Il y a lieu de relever que c’est dans cette même zone frontalière avec la république centrafricaine, plus précisément aux abords du Parc National de Lobéké, que le 27 septembre 2011, un écogarde avait été assassiné et un autre sérieusement blessé par des braconniers, lors d’une patrouille à la lisière de la frontière entre le Cameroun et la République Centrafricaine. Les braconniers qui étaient au nombre de 6 ont tiré des rafales sur les éco gardes, provocant la mort de Pierre Achille Zomedel, un écogarde travaillant à la protection des espèces depuis 12 ans.
Le Délégué Régional a aussi relevé que le manque criard de personnel nécessaire pour la protection des ressources forestières et fauniques est un autre facteur aggravant de la circulation d’armes à feu dans les parcs de la région et leurs environs. Ce qui fait qu’on a parfois un ratio d’un seul ecogarde pour une superficie à surveiller de 250 km2.
Le constat pénible auquel l’on est contraint de faire est que les braconniers, originaires du Cameroun ou venant de l’extérieur, vont et viennent dans les aires protégées camerounaises comme en pays conquis. Ils pillent les richesses forestières et fauniques à leur gré, tirent sur tous ceux qui se présenteraient comme obstacles sur leur chemin, et repartent sans être inquiétés. Le massacre des éléphants de janvier 2012, au parc de Bouba Ndjida, et celui plus récent de février 2013, dans la même zone, en sont une illustration parfaite, s’il en était besoin, de cette latitude des braconniers à piller impunément les parcs nationaux camerounais.
Arielle magoum